Rapport d’enquête technique sur le heurt d’une pile de pont par un automoteur Freycinet le 17/01/23 à Berneuil-sur-Aisne (60)
Parti de Gand en Belgique et à destination de Vailly-sur-Aisne, le bateau CELERITAS, automoteur Freycinet chargé de 293 t d’engrais et de pavillon néerlandais, naviguait en sens montant (en direction de l’Est) sur la rivière Aisne canalisée le mardi 17/01/2023 en début d’après-midi. Au niveau du pont de Berneuil-sur-Aisne, le conducteur a emprunté la passe réservée aux avalants, estimant que l’autre passe serait trop dangereuse compte tenu des conditions hydrauliques du moment. Alors que le bateau finissait de franchir le pont, il a heurté avec l’arrière bâbord le renfort de la pile centrale de l’ouvrage qui était alors immergé.
Le choc a créé une brèche au niveau de la coque et du réservoir bâbord, en dessous de la ligne de flottaison, occasionnant une fuite de carburant dans la rivière et le noyage du moteur. L’équipage a pu amarrer à un arbre. Après un colmatage provisoire de la voie d’eau, le bateau est allé le lendemain se stationner en sécurité un peu plus loin.
La cause directe de l’accident paraît être un manque de maîtrise du bateau en fin de franchissement de la passe du pont et/ou une trajectoire mal ajustée dans la dernière partie de la courbe relative à ce franchissement.
L’Aisne est réputée pour être relativement impétueuse car pouvant monter rapidement en débit. Si la situation n’était pas celle d’une crue, l’accident s’est produit au cours d’un épisode où la rivière a connu un « coup d’eau ». Le débit était ainsi relativement important, environ moitié moins que celui correspondant aux PHEN (plus hautes eaux navigables) et il n’était qu’un peu inférieur au débit d’effacement de certains barrages.
Le franchissement du pont de Berneuil-sur-Aisne est connu comme pouvant être difficile dans de telles conditions, compte tenu notamment de sa localisation dans un méandre et de la faible largeur des passes. Les investigations montrent par ailleurs que le renfort de la pile du pont, qui déborde de 80 cm du fût de la pile, est souvent immergé et donc non visible pour les navigants.
Le pont fait l’objet d’une inversion du chenal de navigation, impliquant que les bateaux doivent emprunter la passe située à leur gauche. Cette disposition permet de faciliter le passage par les bateaux avalants. Les investigations montrent que la passe située en rive droite présente en effet plus de difficultés et que ceci peut également être le cas dans le sens montant et plus encore lorsque le courant est important.
Le BEA-TT formule ainsi une recommandation à l’attention de VNF : faire en sorte que la passe du pont située en rive gauche soit autorisée aux deux sens de navigation, compte tenu du faible trafic et des pratiques déjà à l’œuvre, et ajouter des panneaux permettant de matérialiser la largeur de cette passe ainsi que les bords du renfort de la pile de pont.
Le BEA-TT évoque les dispositions constructives pouvant être envisagées au niveau des dispositifs de protection des piles de pont, de manière à rendre leurs arêtes moins agressives en cas de choc avec la coque d’un bateau. Il invite ainsi, d’une part le Conseil départemental de l’Oise à étudier la possibilité de mettre en œuvre des mesures d’atténuation allant en ce sens au niveau du pont en question, et d’autre part le ministère concerné (DGITM) à compléter les éléments de doctrine afin que cet enjeu puisse être mieux considéré.
Le BEA-TT invite par ailleurs VNF à actualiser les documents pour tenir compte des nouveaux barrages et à assurer, en cas d’accident, le rôle de relais d’information vis-à-vis du service instructeur chargé du contrôle des bateaux et des gestionnaires de pont.
Enfin, le BEA-TT invite ce service instructeur à examiner avec attention les demandes d’autorisation de conduire seul à bord émanant de conducteurs ne parlant pas le français et il invite la DGTIM à faire évoluer en ce sens les modèles de certificats correspondants, ou alors, à supprimer l’exigence relative à la capacité de communiquer en langue française.
Sur le même sujet
Rapport d’enquête technique sur la collision de deux bateaux à passagers sur la Seine à Paris 15e
Synthèse et rapport final (4,2 Mo)
12 mai 2025
Rapport d’enquête sur le heurt de deux ponts par le MARFRET MARIVEL le 16/03/2012 sur la Seine
Synthèse et rapport final (PDF - 5,7 Mo)
18 avril 2016
Rapport d’enquête sur la collision entre le COTES DE BRETAGNE et la SORELLINA le 22/09/2012
Synthèse et rapport final (PDF - 4,1 Mo)
26 juin 2014
Rapport d’enquête sur la collision entre le BUCENTAURE et le KLEBER le 13/10/2011 sur la Seine
Synthèse et rapport final (PDF - 3 Mo)
17 avril 2013