Rapport d’enquête sur la collision entre un train de fret et un convoi exceptionnel le 16/06/2021 à Rumigny

Le mercredi 16 juin 2021, peu après 3 heures du matin, le train de transport de matières dangereuses n° 48 843 composé d’une motrice et douze wagons citernes transportant de l’acide phosphorique a percuté un poids lourd, faisant partie d’un convoi exceptionnel et transportant sur une semi-remorque un bateau, immobilisé sur le passage à niveau (PN) n° 17 sur la commune de Rumigny dans les Ardennes. Les conditions de visibilité étaient faibles, il faisait nuit noire et le PN ne bénéficiait pas d’un éclairage public.
Le train, qui circulait à la vitesse de 92 km/h au moment du choc, s’est arrêté plusieurs centaines de mètres après le PN. La motrice et les huit premiers wagons ont déraillé. La motrice s’est reposée sur son flanc gauche. Certains wagons citernes étaient percés et du produit transporté s’est échappé. Le conducteur du train, pourtant blessé, est parti après la collision à la distance de couverture d’obstacle pour assurer la protection contre un éventuel train croiseur.
La semi-remorque et le bateau transporté ont été détruits suite à la collision et à l’incendie qui a suivi. Le conducteur du poids lourd, qui avait évacué les lieux avant le choc, n’a pas été blessé, tout comme les conducteurs de ses deux véhicules routiers d’accompagnement.
Les infrastructures ferroviaires ont été fortement endommagées au niveau du PN et sur plusieurs centaines de mètres en aval de celui-ci. Des équipements de la signalisation, des voies ferrées et de l’alimentation électrique ont été détruits, entraînant l’arrêt des circulations ferroviaires pendant plusieurs semaines.

La cause directe de l’accident est l’immobilisation du poids lourd comportant une semi-remorque surbaissée sur les voies ferrées peu de temps avant l’arrivée du train.
Les investigations conduites permettent d’écarter l’hypothèse d’une collision suite à un acte volontaire du conducteur du poids lourd.
Les installations du PN (détection du train, allumage des feux rouges clignotants, tintement des sonneries et abaissement des demi-barrières) ont correctement fonctionné.
Aucun élément dans la conduite du train n’est apparu comme une cause ou un facteur contributif de l’accident.
Un des premiers intervenants a été blessé lors de sa mission de reconnaissance des dégâts sur les infrastructures ferroviaires. Il a été rapidement pris en charge par les pompiers.
Les opérations de relevage des matériels, de dépollution et de reconstruction des voies ferrées ont nécessité des moyens humains et matériels considérables à cause de l’étendue des dégâts et de la complexité des interventions sur le produit transporté fuyant des citernes accidentées.

Plusieurs facteurs ont joué un rôle dans la survenance de l’accident :

  • les conducteurs du convoi routier n’ont pas respecté plusieurs prescriptions encadrant le déplacement du convoi, notamment la prévenance de SNCF Réseau pour que puissent être arrêtées les circulations ferroviaires et coupée l’alimentation électrique des caténaires avant le franchissement du PN par le convoi ;
  • la semi-remorque, de par ses caractéristiques et malgré une surélévation des suspensions, s’est bloquée en frottant la chaussée au moment de franchir les voies ferrées.

Ces facteurs renvoient à plusieurs causes profondes :

  • L’organisation, la préparation et la réalisation de ce transport exceptionnel par l’entreprise de transport ont été déficientes vis-à-vis du respect de l’arrêté d’autorisation de circulation. Aucun chef de convoi n’a été désigné. Les conducteurs sur place n’avaient pas en référence toutes les prescriptions de circulation.
  • Cet arrêté reflète la complexité de faire déplacer un convoi exceptionnel. Volumineux, difficile à comprendre et à appliquer, il comporte plusieurs documents contenant des prescriptions parfois différentes.
  • Les caractéristiques dimensionnelles de ce convoi rendaient le franchissement du PN difficile. Pourtant aucune reconnaissance préalable avec les véhicules, aucune étude ou aucun retour d’expérience suite à un précédent franchissement par le transporteur, avec d’autres véhicules, n’apparaît avoir suffisamment alerté celui-ci sur les conditions de franchissement du PN par un tel convoi.
  • Le gestionnaire routier incluait ce PN parmi des itinéraires où faire circuler des convois exceptionnels, sans avoir eu connaissance des conséquences des travaux réalisés il y a quelques années sur le platelage du PN et les voies ferroviaires. Ces travaux ont pourtant durci le profil en long de la route et ainsi ont rendu encore plus difficile le franchissement du PN.
  • Le système ferroviaire n’a pas été capable de fournir une boucle de rattrapage de ces non-respects de la réglementation par le convoi routier.

Au vu de ces éléments, le BEA-TT formule cinq recommandations et quatre invitations sur les thèmes :

  • de l’évolution de la réglementation sur la circulation des convois exceptionnels au sujet de la désignation du chef de convoi ;
  • de la clarification des prescriptions inscrites dans l’arrêté d’autorisation ;
  • de la mise à disposition des données relatives au profil en long de la route aux abords et au droit des PN pour faciliter la préparation des voyages par les convois routiers ;
  • de la sécurité à bord de la cabine de conduite du train ;
  • des échanges entre les gestionnaires des infrastructures routières et ferroviaires ;
  • des conditions d’intervention des premiers intervenants.

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