Rapport d’enquête sur le heurt de piétons par un train le 14/11/2022 en gare de Donchery

Le lundi 14 novembre 2022 à 18 h 47, le TER n° 840831 dessert la halte de Donchery dans les Ardennes, son dernier arrêt avant le terminus de la mission. Plusieurs personnes descendent du train, dont une lycéenne qui retrouve son père qui l’attendait sur le quai. Pour rejoindre la sortie, les voyageurs doivent emprunter un passage aménagé traversant les voies à niveau et positionné devant le TER. Quatre personnes traversent devant le TER, mais le père et sa fille attendent le départ du train. Un jeune homme fait de même.
Alors que le TER quitte la gare, survient sur l’autre voie le train de marchandise n° 54084. Il est en provenance de Metz et à destination de Dunkerque. Il circule à la vitesse de 88 km/h au passage de la halte.
Sitôt la traversée piétonne dégagée par le TER, les trois piétons s’engagent, le père et sa fille en premier, le jeune homme en retrait. Le train de marchandise, masqué par le TER, heurte les deux premiers piétons mortellement. La jeune fille décède sur le coup de la violence du choc. Le père succombera quelques instants plus tard de la gravité des blessures. Le jeune homme qui les suivait est sauf.
La traversée est équipée d’une signalisation lumineuse avertissant les piétons de l’interdiction de traversée les voies.

Au terme de l’enquête, le BEA-TT considère que, au vu des constats et des témoignages recueillis, la signalisation lumineuse fonctionnait au moment de l’accident et que son fonctionnement n’est pas en cause dans l’accident. Le BEA-TT ne peut toutefois en donner l’assurance, cette signalisation n’étant pas équipée d’une fonction d’enregistrement. Lorsque les quatre personnes ont d’abord traversé devant le TER, la signalisation lumineuse était éteinte, indiquant l’absence de danger. La signalisation s’est ensuite allumée pour prévenir d’un danger alors que le TER quittait la gare. Les pictogrammes d’alerte étant situés de l’autre côté des voies par rapport aux piétons, ils étaient masqués par le TER. Les piétons ont traversé derrière le TER, sans percevoir que la signalisation s’était allumée.

La cause immédiate de l’accident retenue par le BEA-TT est le manque d’attention des piétons portée à la signalisation, celle-ci n’ayant été ni observée, ni respectée.
L’accident ne résulte pas d’un acte volontaire. Le risque de déficit d’attention à ce type de traversée est connu. Il a été mis en évidence par une série d’accidents et confirmé par des études comportementales de voyageurs en situation.
Plusieurs facteurs systémiques ont été identifiés comme ayant concouru à l’accident, qui sont :
• le masquage visuel des pictogrammes par le TER lorsqu’il quitte la gare, ainsi que le masquage visuel et sonore du train croiseur à observer, l’attention à y porter étant perturbée parce qu’ils ne se dévoilent qu’au dernier moment avant l’accident ;
• l’empressement des piétons à traverser, une fois le passage libéré par le TER ;
• l’absence de redondance de l’alerte donnée aux piétons selon un deuxième mode de perception de l’alarme, ainsi que l’absence de délivrance d’un message explicite annonçant l’arrivée d’un train croiseur, qui renforceraient leur attention ;
• la réalité de comportement des voyageurs qui, dans leur parcours de voyageur en gare, sont insuffisamment vigilants car ayant d’autres priorités. Ce comportement est en écart avec le comportement attendu afin que les voyageurs assurent leur sécurité lors des traversées de voies ;
• l’insuffisante conscience du niveau de risque des voyageurs, leur attention se mobilisant en situation sur d’autres objectifs comme celui de leur sortie de gare ;
• l’absence de barrière physique efficace barrant le trajet des piétons pour parer l’erreur d’attention.
Globalement l’installation de traversée des voies en gare n’intègre pas suffisamment dans sa conception le risque comportemental d’inattention occasionnelle du voyageur. Elle justifie des efforts de perfectionnement en vue d’offrir une « puissance » d’alerte suffisante, ainsi qu’une de boucle de rattrapage ou une barrière physique de nature à contrecarrer le risque naturel d’inattention.

Le BEA-TT émet 8 recommandations et une invitation pour prévenir le risque de renouvellement des accidents, dans les domaines suivants :
• la mise en œuvre du plan d’action de SNCF pour sécuriser les traversées à niveau en gare ;
• l’étude d’une re-conception du dispositif de traversée des voies en intégrant pleinement la réalité comportementale des voyageurs ;
• transitoirement dans l’attente de la mise en œuvre de ces évolutions, la recherche de mesures d’exploitation prévenant le risque d’accident ;
• la ré-interrogation des règles de police et des exigences de sécurité, celles-ci n’étant pas adaptées à la réalité comportementale ;
• la recherche de financement pour donner les moyens à SNCF d’engager un programme ambitieux de remplacement ou de suppression des traversées à niveau en gare ;
• dans le cas spécifique de la gare de Donchery, la mise en œuvre du projet de dénivellation.
Une recommandation supplémentaire est consacrée à une mesure de gestion de la sécurité en gare de Donchery, qui concerne des traversées des voies en grand groupe constatées. Ce sujet n’était toutefois pas causal dans l’accident.

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