Rapport d’enquête sur le déraillement d’un TGV le 5/03/2020 à Ingenheim

Jeudi 5 mars 2020 à 7 h 32, le TGV 2350 en provenance de Colmar et à destination de Paris parcourt la ligne à grande vitesse Est Européenne. Empruntant une zone de la ligne en déblai au droit de la commune de Duntzenheim, il heurte à 284 km/h un monticule de terre recouvrant la voie.
Sous le choc, le TGV déraille. La motrice avant se déporte et traverse la plate-forme. Elle vient se positionner à cheval sur la voie opposée. Les trois premières remorques déraillent également restant à cheval sur la voie initiale. Les éléments articulés de la rame restent solidaires et continuent leur course sans dévier de la plateforme ferroviaire jusqu’à leur immobilisation complète, 1 635 mètres après le choc initial, sur le territoire de la commune d’Ingenheim. Les roues qui avaient déraillé sont restées guidées en butée par les rails.
Le monticule de terre heurté initialement provenait de l’effondrement par glissement, quelques minutes avant le passage du TGV, d’un talus de déblai adjacent à la voie.

Le bilan humain de cet accident est de un blessé grave, le conducteur du train, et de 21 blessés légers parmi les 307 personnes qui étaient à bord. Le bilan matériel est important. La motrice avant et les trois premières remorques ont subi des dommages conséquents. Les deux voies ont été mises hors d’usage sur les 1 635 mètres parcourus par les roues qui ont déraillé. Le talus du déblai situé au lieu origine du déraillement est effondré sur toute sa hauteur et sur une largeur d’une soixantaine de mètres.

La cause immédiate du déraillement du TGV est le heurt du dépôt de matériau sur la voie provenant du glissement du talus adjacent.
La cause du glissement du talus est l’instabilité de celui-ci en raison de la faible résistance d’une formation géologique particulière le constituant : des argiles du Domérien. La résistance de cette formation avait été surestimée lors de la justification de la stabilité à l’époque de la conception.
Un comportement évolutif dans le temps des argiles, qui est caractéristique de ce matériau, ou des apports d’eau potentiellement élevés peuvent expliquer que l’instabilité ne se soit révélée qu’après quatre années d’exploitation de la ligne.

Plusieurs facteurs ont été identifiés comme ayant pu concourir à cette situation :
- la faiblesse des reconnaissances des sols en ce qui concerne la détermination des paramètres géomécaniques utilisés pour la justification de la stabilité en conception ;
- la non-vérification du choix de ces paramètres malgré plusieurs effondrements survenus en cours du chantier de terrassement ;
- la non-détection de ces deux insuffisances par les acteurs impliqués dans le projet, aucun n’ayant joué, au niveau de contrôle le concernant, le rôle de boucle de rattrapage pourtant permise par son intervention.

Le bilan humain atténué de l’accident, malgré l’ampleur des dommages, s’explique par l’excellent comportement de la rame dans son interaction avec la voie après le déraillement. Des chocs sur le matériel roulant ont pour autant provoqué un endommagement de circuits électriques de la motrice de tête et la perte d’une fonction importante de sécurité, celle de l’alerte radio, sans toutefois prêter à conséquence.

Le BEA-TT émet quatre recommandations et trois invitations pour prévenir ce type d’accident dans les domaines suivants :
- le parachèvement de la mise en sécurité du talus et des talus présentant le même risque sur la ligne à grande vitesse Est Européenne ;
- les prescriptions concernant les campagnes géotechniques de reconnaissance des ouvrages en terre des lignes nouvelles ;
- les pratiques de justification de la stabilité des ouvrages en terre par les concepteurs ;
- l’amélioration des méthodes de surveillance des déblais ;
- l’amélioration des règles de surveillance des ouvrages de drainage ;
- le renforcement de la robustesse de l’alerte radio.

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