Rapport d’enquête sur la collision entre un TER et un poids lourd le 16 octobre 2019 à Boulzicourt

Le mercredi 16 octobre 2019, à 16 h 12, le Train Express Régional n° 840 808 en provenance de Charleville-Mézières et à destination de la gare de Champagne-Ardenne TGV, a percuté un ensemble routier surbaissé arrêté sur le passage à niveau n° 70 sur la commune de Boulzicourt. Ce PN est équipé d’une signalisation automatique lumineuse et sonore avec deux demi-barrières.
Le TER, qui circulait au moment du choc à la vitesse de 120 km/h, a déraillé mais ne s’est pas renversé. Parmi les 63 occupants du train, 11 ont été blessés légèrement.
Le conducteur du convoi exceptionnel, qui était hors de son véhicule au moment du choc, a également été légèrement blessé.

La cause directe de l’accident est l’arrêt du convoi exceptionnel surbaissé sur le passage à niveau par son conducteur afin qu’il descende de sa cabine et manœuvre les systèmes hydrauliques de la semi-remorque pour augmenter la garde au sol du convoi.

Plusieurs facteurs ont pu jouer un rôle dans la survenance de l’accident :

  • le conducteur du convoi exceptionnel et le conducteur du véhicule pilote l’accompagnant n’ont ni préparé, ni demandé d’autorisation, ni reconnu, ni suivi un itinéraire adapté et autorisé à un convoi possédant de telles caractéristiques ;
  • le conducteur du convoi exceptionnel n’a pas augmenté en amont du PN la garde au sol de son convoi au maximum de ses capacités.

Fort heureusement, le train a heurté le convoi routier au niveau le plus fragile de la structure, le col de cygne de la semi-remorque, réduisant la gravité des blessures des occupants du train. La présence d’un véhicule pilote n’a pas permis de faciliter ce transport exceptionnel, dont le conducteur était de nationalité allemande, étranger à la langue et aux procédures françaises.
L’organisation, la préparation et la réalisation de ce transport exceptionnel ont été déficientes par manque d’outils adaptés et de respect des simples règles du Code de la route.

Au vu de ces éléments, le BEA-TT formule une recommandation adressée à la délégation à la sécurité routière sur les informations fournies par l’État aux transporteurs routiers relatives aux itinéraires que peuvent emprunter les convois exceptionnels :

Recommandation R1 adressée à la délégation à la sécurité routière (DSR)  :
Dans la suite de la mise en ligne du nouvel outil cartographique présent sur le site internet Géoportail :
  • mettre à jour les coordonnées des gestionnaires à prévenir avant le passage du convoi ;
  • n’afficher que les prescriptions générales et particulières associées à chaque section visualisée ;
  • réaliser un calculateur d’itinéraires adapté aux convois exceptionnels, qui identifierait les points singuliers à traverser, notamment les passages à niveau.

Le BEA-TT invite les parties prenantes à mettre à jour les coordonnées que les transporteurs doivent utiliser pour prévenir du passage des convois exceptionnels.
Le BEA-TT invite les gestionnaires des infrastructures routières et des ouvrages à transmettre à la délégation à la sécurité routière les coordonnées de contact à jour auxquelles les transporteurs de convois exceptionnels doivent se référer pour prévenir de leur passage, en privilégiant des coordonnées génériques, comme des adresses de messagerie électronique d’unité, plutôt que des coordonnées individuelles.

Le BEA-TT formule également une invitation relative au retour d’expérience de cet accident.
Le BEA-TT invite la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer en coordination avec la délégation à la sécurité routière à présenter aux organisations professionnelles des transports routiers et aux organismes de formation des accompagnateurs des convois exceptionnels le retour d’expérience relatif à cet accident, notamment l’usage du téléphone d’alerte en cas d’urgence du passage à niveau.

De plus, le BEA-TT constate plusieurs similitudes entre les circonstances de cet accident et ceux du 21 avril 2015 au PN n° 41 à Nangis (77) et du 25 janvier 2011 au PN n° 222 à Balbigny (42), qui ont chacun d’eux fait l’objet d’une enquête technique du BEA-TT.
Dans le train, la perte de la radio sol-train, résultant de la coupure en énergie de cet équipement de sécurité suite à la collision, n’est pas une cause de l’accident et n’a pas eu de conséquence aggravante sur l’accident. Le sur-accident a été évité notamment grâce à l’action combinée de l’agent de conduite du train accidenté, pourtant physiquement blessé, et de l’agent de conduite du premier train croiseur.
Dans d’autres circonstances, les conséquences auraient pu être encore plus graves ; c’est pourquoi le BEA-TT, dans une approche préventive, formule également une recommandation adressée à SNCF Voyageurs sur l’étude de l’installation à bord des trains d’un équipement autonome en énergie et automatique de déclenchement et d’émission d’une alerte à destination des trains environnants lorsqu’un train subit un choc.

Recommandation R2 adressée à SNCF-Voyageurs (SNCF-V) :
Étudier la faisabilité de l’implantation, à bord des trains AGC, d’un système autonome en énergie et automatique, qui, à la suite d’un choc, déclenche et émet une alerte à destination du centre opérationnel de gestion de la circulation (COGC) associé à la ligne d’exploitation, afin que celui-ci adapte les circulations des trains environnants.

Le sujet peut concerner l’ensemble des acteurs du système ferroviaire et notamment différents types de matériels roulants.
Le BEA-TT invite l’EPSF à accompagner les échanges entre les entreprises ferroviaires, les gestionnaires des infrastructures ferrées, les constructeurs des matériels roulants et les équipementiers, pour faire émerger les lignes directrices d’un système autonome et automatique d’alerte qui pourraient devenir une spécification technique recommandée pour tout type de matériel.

Des modifications dans les gestes métiers des conducteurs ont été réalisées suite à cet accident, avec notamment l’intégration dans les téléphones mobiles professionnels des conducteurs d’un numéro prédéfini pour faciliter l’accès au service en charge de la gestion des circulations, ainsi que l’ajout dans le référentiel des conducteurs d’un nouveau geste métier de déclenchement de l’alerte radio.
Le BEA-TT invite les autres entreprises ferroviaires et gestionnaires d’infrastructures ferroviaires à étudier l’opportunité de réaliser des mesures similaires.

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